FICHE TECHNIQUE

Auteur : Margaret Killjoy
Éditions : Argyll Editions
Genre : utopie, fantasy & anarchie
Nombre de pages : 208 pages (broché)
Coût : 19,00€ (broché), 8,30€ (poche) ou 9,99€ (Kindle)
Date de publication : août 2022

Un roman difficile à décrire : anarchiste, utopiste, révolutionnaire... Une

Avant de s’attaquer au livre, offrons-nous d’abord un petit temps pour découvrir l’auteur qui n’est pas n’importe qui !

En effet Margaret Killjoy est une « autrice et éditrice transgenre qui vit en communauté dans les Appalaches » (je recopie la quatrième de couverture !). On va rajouter qu’elle est anarchiste et musicienne (elle a fondé le groupe Feminazgûl)… À la tête d’une dizaine d’ouvrages (fictionnels et autres, certains d’ailleurs nominés), elle ne connaît pas en France le renom qu’elle mérite puisqu’apparemment, et si j’ai bien cherché, seul « Un Pays de Fantômes » est traduit en français ! Et j’en profite pour saluer la très belle traduction de Mathieu Prioux qui offre ici une langue particulièrement claire, incisive, très pure, sans outrance et fort bien tournée.

Et je vais encore prendre quelques minutes pour le résumer, ce livre. Nous sommes dans un univers, point trop réel et actuel tout en étant très réel et très actuel. Car l’empire borolien, après sa guerre de conquête en Vorronie, ressemble bougrement à certains pays expansionnistes dont on ne connaît que trop bien les ambitions démesurées. Et cette fois-ci il s’agit d’envahir les Cerracs et d’occuper villes et villages de cette contrée montagneuse. Pour couvrir cette guerre, un journaliste en disgrâce, Dimos Horacki, est envoyé sur le front. Et nous allons suivre le cheminement de Dimos qui, après avoir été blessé, va se retrouver dans le camp adverse.  D’abord accueilli fraîchement, voire avec une certaine hostilité par les ennemis de la Borolie qui reste malgré tout sa patrie, il changera de cap au fur et à mesure de son immersion dans une culture différente, des méthodes gouvernementales également différentes, des modes de penser tout à fait étranges pour lui.

L’évolution de Dimos se fait donc au rythme de ses allers et venues dans les Cerracs. De déconvenue en surprise, d’incompréhension à découverte, d’apprentissage à son glissement final dans cette autre manière de vivre, il éprouvera maints revirements, maints questionnements, maintes souffrances aussi.

Roman linéaire, ponctué de montées et de descentes. Roman d’aventures si l’on veut, dans la mesure où Dimos est sans cesse en proie aux avancées et reculées des armées en présence. Roman d’amour pourquoi pas, puisque Dimos vit des aventures homosexuelles, d’ailleurs très épurées dans leur présentation. Roman politique certainement, car continuellement sont placés en parallèle les fondements gouvernementaux de la Borolie et ceux des Cerracs. Et on va lâcher le grand mot d’anarchiste pour définir le noyau dur du roman.

Oui, anarchiste, révolutionnaire. Les habitants des Cerracs ne sont pas des tendres, ni des bisounours. Ils sont très loin des « Peace and Love » que nous avons connus, soutenus, aimés… Ce sont des purs et durs qui combattent, comme ont combattu les Indiens des belles plaines souillées de sang. Avec cette même rage de défendre leurs terres, leurs convictions, leurs façons de vivre. 

Un brin d’agacement toutefois dans le manichéisme de la fiction. Un peu trop noir d’un côté et tout blanc de l’autre. Un poil dommage. Un tantinet de gris aurait permis plus de souplesse et notre Dimos aurait pu exploiter ces soupçons de « bonnes choses » pour hésiter davantage à faire volteface. Il est évident aussi qu’en faire dès l’entrée du roman un personnage non grata en Borélie rend bien service à l’auteure.

Roman utopiste enfin. Mais là aussi soyons clairs : il ne s’agit pas d’une utopie clairement énoncée. L’auteure ne nous dit pas que seul le mode de vie dans les Cerracs est parfait et doit devenir un modèle universel. Pour elle, ça c’est certain, mais elle est suffisamment intelligente pour laisser la porte ouverte au lecteur. La voie suivie par la Borélie doit être à tout prix éradiquée, ça oui, mais est-ce que la voie suivie par les habitants des Cerracs est vraiment idéale, pure, non entachée de défauts, parfaite en soi ? Aux lecteurs de se prononcer. Bref, je dirais plus un roman questionneur, un roman ouvert qui chatouille l’intellect et réveille les Dormeurs. 

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