C’est un joli village avec des maisons aux volets verts.

Et sur le côté, un joli bois aux arbres verts.

Et tout autour des champs jaunes et verts. Bien épais et bien fournis et bien mûris.

Une petite route jaune serpente entre les champs jaunes et verts.

Sur cette petite route qui mène au village, une voiture noire. Avec trois messieurs à l’intérieur. Repus. Suaves. Dodus et superlissimes.

— C’est donc ce village. ?

— Oui. Nous expulsons les habitants. Nous rasons les blés. Nous transformons cette abjecte forêt en un parc coquet et propret. Nous exterminons oiseaux, écureuil et bêtes à cornes et à poils de tout acabit. Nous triturons les baraques pour leur donner une forme moderno-ancienne à toit de chaume synthétique. Nous accrochons un soleil en polystyrène quelque part vers le haut pas trop haut. Et nous vendons tout cela par lots bien chers.

— Très bien. Nous sommes pour.

L’écureuil s’arrête de grignoter. L’oiseau ne chante plus. Le cerf cesse de boire. Plus personne ne s’amuse. Plus personne ne rit.

Détonation. Déflagration. Doublée. Triplée. Quadruplée. Les trois messieurs sursautent.

L’écureuil se marre. L’oiseau pouffe. Le cerf attend que ça passe, ça lui rappelle des souvenirs confus qu’il ne s’explique pas vraiment.

Détonation. Et encore une. Et une autre. Et une autre. Amplifiée. Retentissante.

Un monsieur interroge le chauffeur à casquette grise.

— Qu’est-ce ?

— Le seul inconvénient de ce coin.

— Expliquez-vous

— De temps en temps la terre se secoue. Elle fait plouf. Ça dure un certain temps puis ça s’arrête. Et ça recommence. Bizarrement ça revient surtout lorsque des voitures noires roulent sur la petite route jaune qui mène au village.

— Celle sur laquelle nous sommes ?

— Oui.

— Enquêtez.

— On l’a fait. On n’a rien trouvé.

Déflagration. Quintuplée. Gigantesque.

— C’est agaçant. Pourquoi ne pas nous avoir prévenus ? Nous nous sommes dérangés pour rien.

— Espoir qu’un jour cela s’arrête.

Déflagration etc…

— Ça ne s’arrête pas ?

— Non…

— Autre endroit ?

— On peut chercher

— Alors vite. Perte de temps. Je suis agacé.

Le monsieur interpelle les deux autres passagers.

— Et vous pourquoi ne dites-vous rien ? Depuis que nous sommes ici, vous vous taisez.

— Je déteste la campagne. J’attends que ça se passe. Dit l’un.

— Je déteste la campagne. J’attends que ça se passe. Dit l’autre.

Déflagration. Détonation. Tonnerre. Tremblement. Séisme.

— Demi-tour.

Et la voiture noire repart en sens inverse sur la petite route jaune qui tourne le dos au village aux maisons à volets verts. Avec trois messieurs à l’intérieur. Fâchés. Enervés. Bougons et rougissimes.

L’écureuil rejoue à Tarzan avec sa noisette. L’oiseau reprend sa partition. Le cerf replonge le museau dans l’eau fraîche.

— Jörgen, tu peux arrêter les pétards, ils sont partis. Jörgen ? Jörgen, t’as entendu ? Tu peux rentrer à la maison, ils sont partis.

Trou immense dans la feuille blanche. Bords déchiquetés.

— Jörgen je t’ai déjà dit. Quand tu veux sortir d’une histoire, tu ne passes pas par la fenêtre, tu prends la porte.

Étiqueté dans :